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NRL : une route à plus de 200 millions d’euros le kilomètre !

La NRL (Nouvelle Route du Littoral) fera encore débat ce vendredi matin en session plénière de la Région même s’il n’y a rien de nouveau. Le montant des contentieux, près d’un milliard d’euros, est connu depuis quelques temps déjà. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais commencer par un coup de chapeau aux policiers municipaux de Saint-Pierre qui, hier, jeudi 2 novembre, aux environs de 17 heures, ont interpellé un individu d’une quarantaine d’années. Un homme armé d’une machette qui courrait après un collégien, rue Babet pour lui voler son sac. Grâce à l’intervention rapide des policiers municipaux, cet individu a pu être appréhendé. Une plainte sera déposée auprès de la police nationale, cette fois, par les parents du gamin.

On passe à la politique à présent. Plus précisément à la session plénière de la Région Réunion qui se déroulera ce vendredi matin, 3 novembre. Les conseillers régionaux de la majorité n’iront évidemment pas jusqu’à se crêper le chignon en dépit des tensions post-sénatoriales, mais le débat risque malgré tout d’être relativement animé sur certains points. Je pense notamment à la NRL (Nouvelle Route du Littoral) et les contentieux Multinationales/Région. Il sera en effet question des orientations budgétaires pour lesquelles, comme le veut la loi, les élus ne sont pas appelés à voter mais à débattre, ainsi que d’autres dossiers comme la NRL, le traitement des déchets….

Héritage de l’ancienne majorité obligé, la Région fait face on le sait à une dette évaluée à environ 1,3 milliard d’euros. Son budget annuel est estimé à un peu plus d’un milliard d’euros. Il faut aussi prendre en considération le milliard d’euros (726 millions d’euros et 245 millions d’euros au titre des intérêts moratoires) que lui réclame dans le cadre de multiples contentieux le groupement d’entreprise (EGIS-Vinci-Bouygues) qui a réalisé la NRL (Nouvelle Route du Littoral). Sans compter la deuxième partie de cette même route à terminer en mode viaduc, de la Grande Chaloupe à la Possession, pour un budget d’environ 850 millions d’euros, voire un milliard en raison de l’augmentation des matériaux de construction. L’Etat financera l’ouvrage à hauteur de 450 millions d’euros. La Région devra pour sa part apporter 400 millions d’euros qu’elle devra emprunter. En dépit des apparences, la collectivité régionale est loin de rouler sur l’or.

Malgré ce contexte budgétaire pour le moins contraint mis à l’index pas plus tard que la semaine dernière par le CESER (Conseil économique, social et environnemental de la Réunion) et par la Chambre régionale des comptes notamment pour la partie NRL, l’actuelle majorité, version PLR de Bello et Progrès de Lebreton, se veut optimiste, alors que certains élus de la majorité, version Bareigts, préfèrent tirer dès maintenant la sonnette d’alarme « pour pas que les contribuables réunionnais aient à mettre la main à la poche d’ici 2 à 3 ans pour payer la facture ».

Entre Ericka Bareigts (à gauche sur la photo) et Huguette Bello, plus rien ne sera comme avant les sénatoriales du 24 septembre.

En réunion interne du groupe majoritaire, d’après mes informations, sur le volet contentieux et sur précisément le fameux milliard réclamé par les multinationales, Christian Annette a insisté pour que la Région fasse des provisions afin de parer à toute éventualité. Les contentieux sont déjà au Tribunal administratif qui se prononcera vraisemblablement d’ici à l’année prochaine. Conformément à la loi et aux obligations comptables, la Région devrait provisionner, non pas les 900 millions d’euros et des grosses poussières que lui réclame le groupement mais au moins le quart, au cas où.

Il y a deux écoles qui, sur ce dossier, s’affrontent aujourd’hui en interne, au sein de la majorité régionale : celle du groupe Bareigts, via Annette, qui penche pour une provision comptable alors que celle de Bello-Lebreton, fortement conseillée par la direction générale des services et le cabinet (ça marche avec), préfèrent attendre en continuant, parallèlement, à dérouler la feuille de route qu’on pourrait également appelé la PPI (Programmation Pluriannuelle d’Investissement) avec la gratuité des cantines, des livres, des transports en commun, la réalisation des lycées (quatre ou cinq à venir dont celui des métiers de la mer et celui des métiers du tourisme), les infrastructures routières (échangeur de Saint-Joseph, route de Cilaos…).

Selon certains élus de la majorité, « les obligations comptables, comme le rappellent la Chambre régionale des comptes et le Ceser, font que la Région aurait dû provisionner une somme eu égard aux jugements qui seront rendus par le TA ultérieurement, mais la direction générale des services et le cabinet considèrent que si la Région provisionne une somme, ça pourrait être considéré par la justice comme un aveu de culpabilité».

« Qui dit provision pour les contentieux liés à la NRL, dit serrage de ceinture et réduction du train de vie »

En décembre 2022, lors du vote du budget de la Région, Huguette Bello et Patrick Lebreton expliquaient que « la collectivité se trouvait financièrement sur la bonne voie, qu’elle paiera au groupement ce que la justice dira de payer, que la deuxième partie du viaduc sera livrée au plus tard en 2028 ». Dans le même temps, la présidente de Région insistait sur le fait que « les sommes réclamées par le groupement étaient indécentes ». Autrement dit, qu’on ne trouvait pas l’argent sous galet, ou sous la patte cheval, comme on dit en créole. Elle espère que la justice n’abondera pas dans le sens du groupement et que la collectivité qu’elle préside n’aura pas à débourser 900 millions voire un milliard d’euros une fois toutes les voies de recours judiciaire épuisées (Cour d’appel de Bordeaux et Conseil d’Etat) d’autant que la Région, non seulement ne dispose pas de cette somme astronomique mais, en plus, elle n’a toujours rien provisionné pour l’instant. Elle n’a pas non plus l’intention de le faire. Qui dit provision, dit serrage de ceinture obligatoire et révision à la baisse de sa feuille de route. En clair, cela voudrait dire réduction du train de vie, arrêt de subventions aux associations diverses et variées, arrêt des recrutements. « Il y a eu 118 recrutements depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe », fait remarquer une élue de la majorité.

L’héritage laissé par Didier Robert pèsera lourd dans la balance. Et la NRL est sûrement le gros galet dans les escarpins de la présidente. Ce qui n’a pas empêché Mme Bello et les siens, via un avenant, à confier la réalisation du deuxième viaduc aux mêmes multinationales (Vinci-Bouygues et Egis en tant que mâitre d’œuvre) qui réclament à la Région un milliard d’euros de contentieux. Sans rancune !

« Le coût global qui devrait dépasser 2,5 milliards d’euros pour 12,3 kilomètres de route, représente plus de 200 millions d’euros par kilomètre », écrit dans son rapport la Chambre régionale des comptes.

En tout cas, pour terminer sur ce dossier de la NRL, rappelons ce que la Chambre régionale des comptes dit en conclusion de son rapport : « la collectivité régionale devrait être amenée à revoir ses niveaux prévisionnels de dépenses, principalement en fonctionnement, pour pouvoir respecter les ratios de solvabilité qu’elle s’est fixée eu égard à sa dette atteignant 1,3 milliard d’euros fin 2021, à moins de rechercher des recettes supplémentaires. Le coût global qui devrait dépasser 2,5 milliards d’euros pour 12,3 kilomètres de route, représente plus de 200 millions d’euros par kilomètre ». Sans le milliard des contentieux !

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