Ti Kozman

Violences urbaines : le préfet va interdire des interdits ?

Violences « importées » de Mayotte : « ça va péter à la Réunion, tu verras ! »

Par Yves Mont-Rouge.

Le sujet du jour risque fort d’être d’ailleurs le sujet de l’année.

Je veux parler de ces scènes de violences qui se produisent de plus en plus dans notre île reconnue jusqu’ici pour son « vivre ensemble ». Mais le préfet de la Réunion, après avoir entendu les cris poussés ces derniers jours par l’ensemble de nos élus locaux (les maires) et nationaux (certains députés comme Jean-Hugues Ratenon et Perceval Gaillard notamment) et avant même la tenue de la réunion du 3 avril prochain en préfecture, a préféré dégainer (ce n’est peut-être pas le bon verbe par les temps qui courent) quelques mesures comme l’interdiction du port et du transport d’armes ainsi que les combats de rue. Personnellement, j’étais persuadé qu’on n’avait pas le droit de se balader avec des armes, ni de se bagarrer dans les rues, mais faut croire que non ! En tout cas, force est de constater que les autorités commencent à bouger. Il était temps ! Elles vont avoir du pain sur la planche. J’avoue, d’un point de vue personnel, n’avoir pas non plus pris très au sérieux, cette montée de violence dans notre île.

Je vous dis ça parce que les récentes flambées de violences survenues dans certains quartiers de Saint-Denis et à Bras-Fusil à Saint-Benoit, m’ont rappelé ce que m’expliquait, il y a quelques mois déjà, (j’ai gardé les textos ainsi que les messages vocaux) une amie mahoraise, qui travail dans le social et qui vit entre la Réunion et Mayotte.  Elle me disait : « Les Réunionnais font l’amalgame, volontairement pour certains parce qu’il y a quand même un fond raciste, et par facilité, pour d’autres, parce qu’il leur faut trouver un bouc émissaire. C’est facile de pointer du doigt toute une communauté. Le problème ne provient pas des familles mahoraises qui, pour fuir la misère et la violence règnant à Mayotte, ont pris la direction de la Réunion, département français beaucoup plus développé que leur île. La Réunion est département depuis 1946 alors que Mayotte ne l’est que depuis 2011 seulement. Ces familles là, dans leur grande majorité, tentent autant que faire se peut de s’adapter.  Elles n’ont évidemment pas vos habitudes, pas votre culture, mais elles sont en paix à la Réunion et font tout pour s’intégrer. Sur ce plan, les Réunionnais, qui sont eux-mêmes de sang mêlé, devraient les comprendre. La Réunion est faite d’apports de plusieurs continents. Là où le bât blesse, c’est au niveau de ces enfants envoyés par les familles mahoraises chez les taties et les tontons mahorais installés à la Réunion et qui sont très nombreux à rentrer chez vous. Ces marmailles arrivent à la Réunion, mais au terme de quelques années, les tantes et oncles perdent complètement la main. Ils sont dépassés par les événements. Les mineurs sont alors placés dans des foyers. Trop de marmailles à gérer. Ces derniers grandissent alors sans les parents, sans les tuteurs légaux. Ils sont livrés à eux-mêmes, se retrouvent complètement en déshérence, souvent dans la rue car ils fuient les foyers et autres centres d’accueil. Ils deviennent ce que vous appelez des mineurs isolés. Ils n’ont plus de code, ils évoluent sans repère, ils n’ont aucune idée de l’autorité, ils sont sans foi, ni loi. Ils sont même souvent accaparés par plus grands qu’eux, les petits chefs, les caïds dans certains quartiers, pour former ainsi des bandes qui vont instaurer un climat d’insécurité dans les quartiers où ils habitent, vont organiser des trafics de drogue en recrutant de jeunes dealers et de prostitution avec des gamines de 14-15 ans, dans les sous-sols des immeubles où les bailleurs sociaux ont (volontairement ?) regroupés toutes les familles mahoraises. Ces jeunes vont développer un business malsain. Ces bandes pourraient également se transformer, au fil du temps, en gangs surtout s’ils sont pris en main par des anciens détenus, ces prisonniers de Mayotte, dits dangereux, que les autorités mahoraises envoient dans les prisons réunionnaises car les prisons sont pleines à craquer à Mayotte. Une fois qu’ils ont purgé leur peine, ces jeunes caïds, français faut-il le rappeler, sont lâchés dans la nature. Ces jeunes-là n’ont aucune idée de ce qu’est la loi, le respect d’autrui. Ils coursent sans gêne des policiers, des gendarmes, caillassent ,comme si de rien n’était des véhicules de police ou de gendarmerie. Ils n’en ont rien à cirer. Même pas peur de l’uniforme ».

Patrice Selly, maire de Saint-Benoit, discutant avec un jeune Mahorais à Bras-Fusil. (Crédit photo : Y.M)

C’est ce que m’écrivait mon amie mahoraise, il y a déjà quelques mois. Des messages que j’ai remis bout à bout. J’avoue qu’à ce moment-là, j’avais pris ses propos à la légère, pour ne pas dire à la rigolade. J’ai souvenir que ça l’énervait beaucoup. Elle insistait : « tu vas voir, écoute bien ce que je te dis là, ce qui se passe aujourd’hui à Mayotte, ces scènes d’une extrême violence que vous voyez à la télé ou sur les réseaux sociaux, ces images de jeunes torse nu qui attaquent sans raison des bus ou autres véhicules, des maisons, des familles, avec des sabres ou des galets… ce sera bientôt chez vous. Les autorités réunionnaises, les élus n’ont pas encore pris conscience de l’ampleur du phénomène, mais ça va arriver plus vite que vous ne le croyez. Et si rien n’est fait, si l’Etat ne prend pas les mesures adaptées, cette violence qui se déroule quasi quotidiennement chez nous, ces affrontements entre bandes rivales, entre Comoriens et Mahorais, eh bien, cette violence-là va vous péter à la figure à la Réunion. Oui, ça va péter à la Réunion, tu verras ! ».

Mon amie mahoraise n’avait pas tort. Tout ce qu’elle avait prédit est en train de se réaliser chez nous. Le cauchemar ne fait que commencer. Les élus semblent maintenant prendre conscience de la dégradation de la situation, surtout après ce qui s’est passé, le week-end dernier, à Bras-Fusil, à Saint-Benoit ou encore après les attaques à coups de galets ou de sabres survenues à Saint-Denis. Un jeune qui course un autre avec un sabre à canne à la main, en plein jour. Tout cela visible sur les réseaux sociaux. Un autre qui lance un gros galet sur un contrôleur de bus à Saint-Denis. Toujours en plein jour. A la vue de tous. L’exaspération commence à monter au sein de la population qui, à tort, risque de faire l’amalgame avec toute une communauté qui n’est pour rien puisqu’elle en soufre elle aussi de ces exactions commises par les délinquants issus de ladite communauté, qui n’hésitent pas à s’affronter entre eux pour des motifs parfois futiles.

« Que fait la police ? ». Où sont les gendarmes ? Ce sont les interrogations des familles réunionnaises (et même mahoraises) qui ont peur pour la sécurité de leurs enfant ; Qui ont peur que leurs gamins se fassent agresser sur le chemin de l’école ou aux abords des établissements scolaires ; Qui ont peur que les bus scolaires soient caillassés sans aucune raison ; Qui ont peur que leurs enfants, plus grands, se fassent courser dans la rue par des jeunes armés de sabre à canne, pour un oui, pour un non ; Qui redoutent de traverser certains quartiers à la nuit tombée ; Qui n’osent plus sortir le week-end par peur de voir leur maison « visitée » ; Qui ne peuvent plus garer leur voiture (souvent encore à crédit) sur le parking de l’immeuble où même le long de la rue, en craignant de le retrouver en mille morceaux au petit matin, parce que des jeunes se sont bagarrés entre eux et ont décidé de « tirer leur rage » sur les innocentes voitures…

« Que fait la police ? » « Que fait la gendarmerie ? ». « Que fait la justice ? » Nombre de familles réunionnaises ont le sentiment aujourd’hui qu’il existe une certaine mansuétude de la part de la justice envers ces délinquants venus d’ailleurs, qui ne se cachent même pas sur les réseaux sociaux, alors que pour moins que ça, quand il s’agit de Réunionnais en faute, l’Etat n’hésite pas à déployer la cavalerie. C’est ce sentiment là qu’éprouvent de plus en plus les citoyens de la Réunion dont certains commencent à s’organiser via des groupes ou des lancements de pétitions en ligne. Si rien n’est fait, la haine risque de monter d’un cran.

Le député Jean-Hugues Ratenon, en visite dans le quartier de Bras-Fusil.

Raison pour laquelle, les élus se mettent à interpeller l’Etat. Mais il faudrait carrément une union sacrée politique, comme celle qui se manifeste actuellement pour la défense de l’hypothétique réforme de l’octroi mer. La montée de la violence « importée de Mayotte » est bien réelle. Elle n’a rien d’un projet.

Huguette Bello, Cyrille Melchior, les maires, les parlementaires (députés et sénateurs) devraient parler d’une même voix. Bien avant les événements violents du week-end dernier, les députés Ratenon et Gaillard l’avaient fait. D’autres élus sont également montés au créneau : Patrice Selly, Cyrille Melchior et, à présent, l’Association des maires qui, manifestement, sont décidés à faire bloc face à l’Etat et à son représentant local pour demander plus de moyens car « la sécurité des citoyens relève de la mission régalienne ».

Les maires se veulent solidaires contre la montée de la violence. « Appelés à participer à une réunion sur cette question des violences en Préfecture le 3 avril prochain, les maires de La Réunion tiennent à rappeler qu’ils sont unis et déterminés à jouer leur rôle. Les élus que nous sommes, confrontés à la fois à cette violence mais également et surtout au désarroi des populations qui les vivent au quotidien, sommes attachés comme beaucoup de nos concitoyens au vivre ensemble réunionnais. Il est urgent de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour endiguer ces phénomènes de plus en plus récurrents.

L’ordre républicain étant un pouvoir régalien, il appelle l’union républicaine de tous les acteurs concernés de près ou de loin par les actes de violences aux biens et aux personnes. C’est la raison pour laquelle, l’AMDR demande également que soient associés à la réunion du 3 avril, le Recteur de La Réunion, un représentant de la justice et des représentants des bailleurs sociaux.

Présents quotidiennement sur le terrain, les maires se font le relais de la très nette apparition d’une nouvelle forme de violence à La Réunion, des inquiétudes et des exaspérations légitimes qu’elles génèrent dans la population. Ils attendent donc de l’État, la mise en place de tous les moyens nécessaires à une lutte farouche contre la recrudescence de la violence dans nos rues». Quelques lignes d’un communiqué signé de l’Association des maires de la Réunion (AMDR) présidé par Serge Hoareau. Cyrille Melchior, président du Département, a déjà mis son grain de sel lui aussi, en déclarant que « l’Etat doit mettre plus de moyens ». Concernant cette montée de la violence, la présidente de la Région, Huguette Bello, a déclaré, hier, lors de la session plénière «qu’il faut une prise de conscience collective qui amène une réflexion en profondeur et des mesures concrètes à tous les niveaux ». Nos élus seront-t-ils  entendus ? Réponse le 3 avril prochain, à l’issue de la réunion avec le préfet.

Mais d’ores et déjà, à l’instar d’Ericka Bareigts, se félicitent des premières mesures prises par Jérôme Filippini qui, en tant que représentant de l’Etat, découvre chaque jour qui passe la Réunion, cette belle île intense avec ses paysages grandioses, du battant des lames au sommet des montagnes, la magie de son volcan, ses musiques traditionnelles (impossible de résister à son maloya, n’est-ce pas ?), ses lieux de culte qui se côtoient (églises, temples tamouls, mosquées, pagodes etc…), sa cuisine succulente, bref son « vivre ensemble » qui risque, cependant, d’être mis à mal si l’Etat ne réagit pas face à cette « violence importée ». Ce sera tout pour aujourd’hui. Je souhaite aux Chrétiens une bonne semaine sainte et de joyeuses fêtes de Pâques, ainsi qu’un bon ramadan à la communauté musulmane.

Y.M.

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